Ebooks Gratuit > Hugues Le Martel - La Maison sans maître

Extrait :
— Maristelle, il nous faut rentrer. Tu sais ce qu’a dit ton père.
— Il y a encore de l’or dans le ciel, je te le jure. Si tu pouvais voir, tu le verrais.
— Si je pouvais voir, je le verrais, oui, approuva d’une voix résignée l’aveugle au clair regard que Maristelle accompagnait.
Mais n’était-ce pas plutôt Montaine qui accompagnait la jeune fille, son amie, à travers les lues en fête de Pont-Violet ?
Montaine avait coiffé la Sainte-Catherine il n’y avait pas un an. C’était tout proche, mais qu’importe, c’était fait. Cela vous donne de l’autorité sur une enfant de vingt ans, fût-ce la plus raisonnable, la plus obéissante, la plus docile enfant que l’on connût. Elles marchaient, se donnant légèrement le bras, avec grâce et simplicité, suivant une vieille habitude. Montaine posait ses yeux sans vie sur les êtres et sur les choses comme si elle les voyait toujours. Les yeux de l’aveugle avaient gardé une expression surprise et amusée qui laissait croire à quelques-uns que Montaine n’était pas blessée. Elle l’était pourtant et profondément. Maristelle le savait. Mais elle savait aussi que, en se posant sur les êtres et sur les choses, les yeux de Montaine croyaient les voir toujours. C’étaient de grands yeux d’un gris bleu dont l’iris avait un mince cercle d’or.